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21 mars 2011

Dépanneurs: Chez Lee. Ou comment j’ai découvert la culture coréenne

[Voix-off]: J’étais pas trop sûr, alors j’ai apporté mon article de la semaine à la Tache. C’était vendredi dernier. Apporter un article à la Tache, c’est toujours stressant, d’habitude je vais voir la Fille, mais elle était prise avec plus important. Guillaume habite Manhattan (oui, la Diagonale a déjà des correspondants) et j'en suis toujours à me demander si Maxouel existe vraiment (ben quoi... c'est pas clair, cette histoire de dessins). Bref, il me reste la Tache. Je lui apporte mon article bien propre sur un réalisateur argentin et il me le relance dans la face, sans même le lire.

- T’écris sur l’événement l’Off-Ciel et puis c’est tout. Criss.
- Ahem. Non franchement, j’ai rien a dire sur leur topos.
- Criss Maax, il y a un mec qui parle de cum shot, un autre de Beckett et un autre de Corée et t'as rien a dire ?
- J’ai bossé pour des Corééens, il y a longtemps de cela, mais ça va pas vraiment avec mon style…
- Voilà man. Demain, 300 mots sur ton job chez les Coréens.
- …
- Dude, c’est pas moi qui manque d’inspiration.

Non, vraiment, si on parle des Coréens, l’inspiration ne manque pas. L’expérience a duré 2 ans, et elle a été si douloureuse que j’en fait encore des cauchemars. Je me réveille en sursaut pour m’assurer que les 32 boîtes de lait sont bien empilées.

C’était mon premier boulot. Normalement avec ton premier boulot, tu deviens un homme. Là, mes couilles ont été coupées au cutter, celui que Park-Lee utilise depuis 3 ans pour ouvrir les caisses de bananes.



Je me rappellerai toujours ma première journée, du gros montage soviétique: je passe 40 minutes dans un frigo à empiler des boîtes de pommes; je sors, je vois Kim-Lee qui me gueule ‘back in there’, je vois une montagne de boîtes d’oranges, 40 minutes dans le même frigo à empiler des boites d’oranges.

Non et puis chaque chose que tu fais n’est jamais suffisante, c'est toujours: tout aurait pu être plus rapide, plus propre, plus concis, plus quelque chose. Tu te dis que tu apprends, que c’est ça, le boulot, mais quand ton collègue te dis que ça fait 9 ans que ça dure, tu perds espoir. Non, les mecs, ils sont méchants. Ils font des blagues et si tu ris, c’est pas respectueux alors ils t’engueulent. Si tu utilises une autre méthode que la leur, c’est pas respectueux alors ils t’engueulent. Si tu leur demande comment faire, c’est pas respectueux alors ils t’engueulent.

Entre le vieux qui te demande si tu as fais le service militaire, bienvenu en Occident, non je ne l’ai pas fait. Réponse: ‘you not a man’.

Entre le chef-commis qui bosse 67 heures/semaine pour un dépanneur - le mec, il ne peut plus voir une boîte de lait sans avoir du sang qui lui pisse des yeux - et il transmet sa colère sur les Maax de ce monde.

Entre la mère (Mère Patrie, je l’appelais) qui te demande constamment d’aller plus vite, et plus vite, et plus vite, avec le sourire assassin.

Entre le boss qui se vante d’avoir un "good business you know" (dépanneur), ou encore que "I was the strongest at wrestling at school" (chouette…) ou que ‘I treat you like my son’…ah ça…oui je veux bien, vu que tu traites ton fils comme de la merde.

Il y a un monde que je ne pourrai jamais comprendre.

J’imagine que c’est ça que de vivre une culture étrangère pour la première fois.

Non vraiment, la piété filiale de Confucius, ça suffit. Je veux bien qu’on respecte la culture des autres, mais là bordel…

- Woh woh Maax, tu utilise le mot ‘bordel’ là.
- Oui, la Tache, oui.
- Nice, Maax, j’aime.



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