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15 juin 2011

Fine fleur de lys

Commis par La Fille


Cette semaine, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a lancé une nouvelle chanson, qu'elle souhaiterait voir devenir l'hymne national du Québec. Exit Gens du pays, bonjour Ô Kébèk.

Que s'est-il passé dans la tête de Raoul Duguay, en charge des paroles, et dans celle d'Alain Sauvageau, responsable de la musique? Il faut que certains de leur neurones aient fondus. Il faut qu'il existe une explication rationnelle à cette erreur musicale.

C'est cliché. Ça dégouline de bons sentiments. C'est atroce.

Or, je ne tenterai pas, aujourd'hui, de commenter (ni de comprendre...) cet hymne en devenir puisque, de toute façon, Patrick Lagacé l'a très bien résumé avant moi, lorsque ses oreilles se sont mises à saigner.

Non.

Je préfère plutôt me plonger dans la richesse du texte, faire une fine analyse littéraire, digne d'un travail de début cégep. (Parce que, disons-nous les vraies affaires, un étudiant de cégep - aussi blasé soit-il - aurait pu écrire ce texte. Je pousse, mais à peine.)

Et c'est parti (Vous me pardonnerez de m'attaquer à la version courte. Ma patience à quand même des limites):

Ô Kébèk
Kébèk c’est nous gens d’ici gens de cœur - L'épiphore ici utilisée sert à situer le lecteur. Si l'auteur n'avait pas répété "Kébèk", nous se saurions plus d'où nous sommes, nous, gens de cœur.
Pays unique du nord de l’Amérique - Pensait-il vraiment s'en sortir indemne avec cette prolepse douteuse?
Grand peuple uni sous le fleurdelisé
Nation qui fleurit et aspire au bonheur - La métonymie, ici doublée d'une personnification, met l'emphase (oh oui, BAAAM, j'ai osé écrire "met l'emphase") sur les Québécois et Québécoises, se tenant la main, joyeux, sous leur drapeau, image d'ailleurs renforcée par la synecdoque"fleurdelisé".
Sous l’arc-en-ciel de l’amour - Ceci est une métaphore. Mais de quoi? Cet arc-en-ciel serait-il l'échangeur Turcot? L'arche principal de la porte d'entrée du Parlement? Un pont humain fait d'hommes et de femmes homosexuels? Sous quoi chantons-nous réellement la liberté? Toute la richesse du texte est là. (Et suis-je la seule à voir un peu de vomi dans la bouche?)
Nous chantons liberté
Au fil des jours nous gardons
En mémoire notre histoire
Nous allons à la rencontre
De nos ressemblances -
Accueillons nos différences
Respectons nos croyances - Cette savante allitération accentue l'effet d'appartenance des Québécois à leur terre, à leur mémoire. En répétant par trois fois le son "ance", les éléments (ressemblance, différence, croyance) - fondamentalement distincts - se fondent, deviennent une seule et même idée, cristallisée dans la bêtise de la pauvre rime (à ne pas confondre avec la rime pauvre qui, elle, est parfois riche).

Notre fierté notre victoire
C’est de parler français
Et de vivre ensemble en paix - Ici, nous sommes devant une ellipse ma foi habile. En fait, ce que le texte nous dit, c'est que: Notre fierté notre victoire, ce n'est sûrement pas cette chanson. End of the story.

Ô Kébèk
Pays de nos amours - Ô Kébèk, chanson de ma douleur.

Lagacé conclut pour moi: "Raôul Duguay se vante de donner la chanson gratuitement sur le Web. Ça tombe bien, personne ne paierait pour ça."

NDLR I: Je n'ai aucunement révisé mes figures de style, comme tout bon étudiant de cégep. Que celui qui n'a jamais figure-de-style-fauté me lance la première pierre.

NDLR II: Avec la musique, c'est pire. L'écouter, c'est comme un voir un nain s'enfarger dans le trottoir, mais qu'en plus, il est noir, albinos, gaucher, en territoire autochtone.

Je vous laisse la découvrir par vous-mêmes, si ce n'est déjà fait.

8 commentaires:

Suzanne a dit…

HA, j'aime trop l'image du nain.
Merci ma Sandrone.

La Tache a dit…

Cette analyse est parfaite et hilarante. Tu maîtrises la figure de style et l'analyse comme un vieux prof de littérature expérimenté avec des mains rudes et façonnées par la vie et les épreuves, sauf que toi t'es le fun.

Je noterais, en conclusion, qu'écrire Kébèk n'est pas cool, je m'en fous si ça fait jeune, je m'en fous si ça ramène à la racine autochtone du mot, ça fait juste poseur -.-

Dans un autre registre, on saura maintenant qui NE PAS aller voir quand on aura besoin d'une hymne nationale. Merci SSJB.

Louis Filiatrault a dit…

J'ose dire que c'est moins pire avec la musique... L'attention scupuleuse accordée au texte s'en trouve atténuée.

maxouel a dit…

Je sais pas... c'est genre un mélange de musique de film de guerre et de Carmina Burana. :p

Marin Gouin a dit…

Je me rappelle qu'un certain monsieur avec des beaux bras a dit qu'un pays a besoin d'un mythe fondateur. Certains considèrent que les contes d'Honoré Beaugrand remplissent cette fonction, d'autre non. Je crois que M Dugay et de la seconde opinion vu qu'il a en plus décidé de remplacer gens du pays. J'imagine que la musique de guerre et l'inspiration Carmina Burana c'est pour le côté ÉPIQUE.

Le montage de photos du vidéos est MA-LA-DE. Surtout le portrait de la femme qui s'en dégage.

Marin Gouin a dit…

Comment commenter et oublier l'essentiel,

La fille : Je veux suivre tes cours de litt, c'est beaucoup trop amusant/instructif.

maxouel a dit…

Merci à Zviane de m'avoir fait découvrir CECI

La Fille a dit…

@Suzanne

Les nains sont - malheureusement - une source inépuisable de blagues à caractère cocasse ET de jeux de mots douteux.

@La Tache

J'abonde en ton sens, pour le mot "Kébèk". Je comprends "la bonne idée" derrière la chose, mais, au final, ce n'est que ça, une bonne idée. Et ça ne suffit pas toujours. Mes mains rudes s'occupent de toi quand tu reviens de Régina.

@Louis et Maxouel

Pas faux. La musique est presque pire que les paroles. À la fois grandiloquente et cheap.

@Marin Gouin

Contente que tu aies apprécié le montage. J'ai choisi mon vidéo avec soin. Je vous que tu es un expert en montage cheesy. Et props à Honoré.