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19 juillet 2011

Si Nunuche n'eut chu


Commis par Maxouel


D'aucuns d'entre vous auront croisé cette couverture troublante au hasard d'une librairie. 
Non, il ne s'agit pas du nouveau Elle, ni du dernier Loulou.
Vous avez mordu au canular fomenté par Élise Gravel, dont trois numéros sont déjà parus à la Courte échelle.

Nunuche a cela de particulier qu'il ridiculise la presse féminine avec ses propres armes : au premier coup d’œil - et c'est l'effet voulu - on peut même même le confondre avec l'un de ces magazines qui accompagnent gentiment notre attente à la caisse de l'épicerie. (D'accord, j'avoue que l'ostensible paire de fesses du deuxième numéro sent un peu l'arnaque, mais le numéro spécial jeunesse Nunuche gurlz est un pastiche franchement réussi.)

Est-il possible de créer un magazine dont TOUT est faux et satirique? Oui : Nunuche l'a prouvé. Ses articles n'ont d'intérêt que comme caricature; les publicités sont montées de toutes pièces par l'équipe de graphistes; on y trouve même un courrier des lectrices et une page d'horoscope! Et le tout est rédigé avec un soin remarquable. Un effort particulier est accordé au graphisme et à la mise en page, afin de recréer l'aspect des magazines pastichés.

Le premier numéro (Exit les oreilles) m'avait carrément enthousiasmé. Il s'agissait pour moi d'un livre d'art, d'un exercice de style sont je ne connaissais pas d'équivalent. Mais une question a traversé mon esprit : comment créer plusieurs numéros sans gâcher la recette, sans user le punch?

La lecture du second numéro, paru ce printemps, a confirmé mes craintes.

À force de tourner autour des mêmes clichés, Nunuche devient en quelque sorte sa propre caricature. C'est sans doute le résultat attendu par l'exercice.... Mais je me suis surpris, pendant ma lecture, à avoir soif de transgression. Quelques publicités ou articles isolés ( Fondation Nunuche pour les ados moches; Élever un enfant médiocre ) grattaient des bobos plus réels que celui des fashionistas anorexiques... et j'en voulais encore. J'aurais aimé entendre parler d'actualité, de politique, de sexe... et de façon trop vraie pour être vraie. 

Comment dire? Il me semble que l'appareil satirique de Nunuche est bien rodé, très bien même. Le temps serait venu de l'investir d'un message et d'un contenu qui dépassent l'exercice de style. J'aimerais que ce magazine iconoclaste fasse davantage grincer les dents.

Bon, j'avoue que c'est très étrange de dire d'un bouquin « j'aimerais plutôt qu'il soit ainsi ». Mais je le souhaite ardemment. J'aime Nunuche d'amour. C'est donc inévitable : je lui fantasme un avenir.

Ce qui me rassure? Nunuche a aussi une vie en ligne. Sur Facebook ou twitter, elle (Élise Gravel?) partage des perles trouvées au hasard du web. Parfois, elle sert de vitrine à d'autres publications transgressives (Happy Woman Magazine, dont un article - Élever un enfant médiocre - a été traduit pour le deuxième numéro). Soudain, Nunuche n'est plus une imitation transcendante : elle est là, bien réelle, partout sur le web, dans une pub de savon, dans une nouvelle collection mode. Nunuche devient une sorte de mème qui regroupe tout ce que la mode et la presse féminines créent de plus débile. Nunuche est partout. Pour trouver le chaînon manquant du magazine, il faut aller en ligne.

Bref, je souhaite le plus brillant avenir à Nunuche. La parution de Nunuche gurlz, parodie de magazine pour adolescente, est d'ailleurs prometteuse. le sarcasme un peu gros de la version «pour adultes» devient un véritable vent de fraîcheur pour la littérature jeunesse.

Je termine ce court billet avec une citation de Nunuche en personne, qui m'a bien fait rigoler :
« ÉPANOUISSEMENT PERSONNEL !» hurlent les hordes de féministes en arborant de disgracieux ronds de sueur sur leur t-shirts informes. Et tout le monde ignore cette petite voix douce et discrète, cette petite voix oubliée qui chuchote désespérément : « Féminité! Féminité! »
- Nunuche : Dossier spécial, beauté intérieure, no.2, p. 7

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