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04 février 2011

Le jour où S Club 7 m'a sauvé la vie

J’étais bien embêtée par le thème de cette semaine. J’envoyais des regards meurtriers vers le collègue instigateur de ce thème qui ne m’inspirait rien. Mais R-I-E-N. J’ai même tapé «multiculturalisme» dans Google. J’étais tombée bien bas. Espérant un miracle. Bien sûr, je n’ai reçu que le traitement googlien habituel, c’est-à-dire Wikipédia en tête de liste, m’informant platement que le multiculturalisme «est un terme sujet à diverses interprétations. Il peut simplement désigner la coexistence de différentes cultures (ethniques, religieuses, etc…) au sein d’un même ensemble (pays, par exemple).» [1] Merci mucho.

Pour me consoler, je me suis mise à écouter en boucle les meilleurs tubes du groupe de hasbeen anglais S Club 7. (Mais n'ont-ils jamais « been », là est la vraie question…)


S’ensuivit une conversation enflammée sur Facebook. Qui était le plus beau? La plus belle? Devrait-on sortir leur sitcom en DVD? Puis soudain, l’épiphanie. Un amusant cinéphile, réalisant que le « 7 » dans le nom du groupe référait au nombre de chanteurs-danseurs (soyez indulgent, nous n’avons pas tous le même esprit aiguisé et alerte), se demanda comment personne n’avait encore fait le lien avec le film de David Fincher, concluant – et je cite* – que «Ça ferait un ostie de beau remake…»

Le multiculturalisme, Fincher et S Club 7, serait-ce le sujet de ma chronique? Non. (Fiou.) Mais les remakes, oui. Un remake en particulier. Un remake qui, justement, fait coexister différentes cultures (nationalités) au sein d’un même ensemble (le Web). J’étais sauvée. Moïse avait séparé les eaux. Lazarre respirait à nouveau.

Avez-vous déjà entendu parler du film muet de Dziga Vertov, Man with a Movie Camera, réalisé en 1929? Ce film, reconnu pour les multiples techniques qu’y déploie Vertov (techniques telles que la surimpression, la superposition, l’accéléré, le ralenti), illustre la théorie cinématographique de son réalisateur : le kino-eye.


Or, le film de Vertov n’est pas le cœur de mon propos aujourd’hui. Il s’agit plutôt du remake qu’en propose Perry Bard, en 2007. L’artiste new yorkaise rêvait d’une base de données inépuisable, d’un projet collaboratif mondial. Pour Bard, le film de Vertov s’offrait en muse parfaite : «Vertov’s 1929 film is a great point of departure for the internet because it has so many dimensions from the documentary to the performative to the effects along with its use of an archive which translates to a database and it’s a film within a film. It was shot in three different cities, going global was obvious and the rhythm is very contemporary, there’s no shot in the film longer than twenty seconds. It seemed like a perfect vehicle for global input and in keeping with Vertov’s intentions as a filmmaker.» [2]


Lentement, mais sans jamais arrêter de prendre de l’expansion, Bard a donc créé le Man With a Movie Camera : The Global Remake, vidéo participative et communautaire. Le site invite les internautes du monde entier à télécharger des images ou des extraits vidéo offrant leur propre lecture du film de Vertov. Ils choisissent donc à quelle séquence du film (que Bard a pris soin de décortiquer selon les 57 scènes et 1 276 plans originaux) ils désirent participer, et une fois leurs contributions téléchargées sur le site (et approuvées, bien sûr, par Bard), les vidéos sont comptabilisées dans une base de données. C’est ensuite à partir de celle-ci qu’un logiciel (le master mind de tout ce projet) crée quotidiennement un montage vidéo présentant conjointement les scènes originales du film et les relectures contemporaines qu'en font les internautes, le tout accompagné d'une bande sonore originale de Steven Baun. Ainsi, si vous avez suivi, les variations du film sont infinies.

Et ça marche. Les contributions abondent. Les traductions anglaises, françaises, espagnoles et mandarines ne suffisent plus. Perry Bard crée véritablement une communauté mondiale se rejoignant autour du même fait de culture. C'est multiple, c'est culturel, c'est isme (?). C'est du multiculturalisme. CQFD.

Et ça donne des trucs comme ça:



Et que faire de S Club 7 maintenant? Ils m’ont offert le groove nécessaire à la rédaction de cette chronique. Et m'ont rappelé de ne plus déterrer leurs albums avant une autre bonne décennie.



*À quand un protocole de citation Facebook?

3 commentaires:

La Fille a dit…

Pour plus d'info sur le concept de base de données (database), je conseille l'excellent "The Language of New Media", de Lev Manovitch, paru au MIT Press en 2000.

Anonyme a dit…

J'ai beaucoup trop de plaisir à suivre le cheminement qui t'a mené à ton thème.

Intro = réussiste.

Multiculturalisme ou village global?

La Fille a dit…

Je dirais communauté mondiale, en fait. Mais chut! Il ne faut pas le dire à mes collègues diagonaleux. L'important, c'était de rentrer dans le thème, peut importe les détours empruntés! Alors, la version officielle, c'est multiculturalisme!