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05 mai 2011

Les arts électroniques à la BNL MTL

Commis par La Fille




Ça y est : la septième Biennale de Montréal est en branle depuis le 1er mai dernier! Et comme il commence à être temps de jaser d’autres choses que d’élections (bien que…) : un petit topo sur l’évènement!

Évènement d'art contemporain ayant lieu tous les deux ans, la Biennale (BNL) de Montréal rassemble cette année plus de 40 artistes dont la moitié vient de l'extérieur du pays.

Cette année encore, une section complète - dont le commissariat est assuré par Paule Mackrous, rédactrice en chef du Magazine électronique du CIAC (le Centre international d'art contemporain de Montréal) - est consacrée aux arts électroniques. Joie et allégresse!

Ce volet consiste en une exposition en ligne qui présente les œuvres de six Net artistes explorant, chacun à leur façon, le thème de la BNL: le hasard (traduit en anglais par "chance" - intéressant!) Cette semaine et la suivante, je m’afférerai donc à partager avec vous l'expérience que j'aurai eue des œuvres de Grégory Chatonsky, Jhave, Martine Neddam, Mark Amerika, Jon Thompson et Alison Graighead.

N'empêche, il tombe pile-poil, quand même, ce thème! Internet et hasard sont un couple presque aussi célèbre de que William et Kate. La preuve : c'est par le hasard le plus complet que je suis tombée sur ça. Et ça. Mais ça, aussi. Mais pas sur ça. Ça, c'était voulu.

Enfin, passons.

Internet et hasard forment donc un duo à tout casser. Et il en va - bien sûr - de même pour Net art et hasard. De nombreuses œuvres Web s'appuient sur l'accidentel et l'aléatoire. Pensons simplement à une autre œuvre de Chatonsky, Ceux qui vont mourir / Those that will die, dans laquelle des phrases tirées aléatoirement de l'ExperienceProject se marient à des images empruntées à Flickr ainsi qu'à des extraits sonores tirés de YouTube. Et comment se décide se mariage? Par hasard. Les phrases servent de mots-clés, et les images jointes sont le résultat des recherches d'images effectuées avec ces mots. That's it.

Alors, comment Grégory Chatonsky a-t-il abordé la problématique, cette année? Par les sons du hasard.

Grégory Chatonsky: Ma voix et les phénomènes

Sur place, l'artiste présente aux visiteurs de la Biennale un dispositif appelé Notre mémoire qui consiste en un disque dur - très - endommagé qui "retransmet, de manière visuelle et linguistique, les son émis par ce dispositif en décrépitude."[1] Comment ça marche, en gros, c'est qu'un micro capture les vibrations du disque, un ordinateur repère cette amplitude sonore sur un chiffre de 0 à 1000 et le chiffre est ensuite associé à une image tirée de l'immense base de données qu'est Flickr. Ainsi, par une association hasardeuse, la machine met une image sur les maux qui l'accablent.

Cette œuvre "tangible" est une réponse "locale" à celle présentée dans l'exposition en ligne, intitulée Ma voix et les phénomènes. Le concept est le même : et si l'on traduisait le niveau sonore en niveau numérique et lui-même en image? Je vous explique : une fois muni d'un microphone, l'internaute est invité à y crier, chanter, parler, et le niveau de volume de sa voix est traduit en un chiffre précis qui lui même correspond à une image tirée de Flickr. Illustrons le tout : j'ai crié dans mon micro Je suis une sex-symbol et j'ai obtenu l'image de marathoniens suintants et musclés. Puis j'ai crié J'aime les marathoniens suintants et musclés et j'ai obtenu l'image d'un mouton. Riche de sens, n'est-ce pas?

En fait, pour une fois, ce ne sont plus les mots qui comptent, mais bien les sons via le chiffre qui leur est associé. Sémantiquement, nous sommes déroutés. Un chiffre appelle une image, non plus un mot-clé, principe même de tous les moteurs de recherche du Web. Dès lors, comment produire du sens? C'est ici que ça devient intéressant : comme il faut tout de même parler (ou produire un son) pour que les images immergent, la signification surgit malgré tout (ou plutôt, nous la faisons advenir). En effet, que ce soit par hasard, par surinterprétation, par réappropriation, par pur délire, l'image associée à ce que nous venons de dire (ou bruiter!) fait plus souvent qu'autrement sens. Fascinante machine que le cerveau humain.

Seul hic à l’œuvre : Elle est à écouter dans un endroit calme si vous voulez réellement que votre voix - et elle seule - soit celle qui fait naître les images. Personnellement, mon lave-vaisselle créait des perturbations...

En terminant, Chatonsky note s'être inspiré d'une autre oeuvre phare du Web: The secret lives of numbers, de Golan Levin.


Jhave: Give Me Your Light

En réponse à la vague toujours grossissante des vidéos virales mettant en scènes des animaux (LOL cats, etc.), l’œuvre de Jhave propose une réflexion sur notre posture d'internaute face à celles-ci. La structure de Give Me Your Light est simple : un vidéo génératif orchestré selon un algorithme aléatoire et présentant les figures tragiques et perturbantes d'un chaton à l'agonie et d'un singe asservi. L’œuvre est divisée en plusieurs tableaux dans lesquels des extraits vidéo s'enchaînent de manière aléatoire et, entre ces séquences, des mots défilent sur écran noir: cry, scar, heal, love, kick, light, rage, etc. Finalement, une trame de fond grave et solennelle (des sons de cloches d'église résonnant sans fin) accompagne le tout.

Ainsi, avec Give Me Your Light, le hasard est en quelque sorte aliéné. Certes, les vidéos se suivent dans l'aléatoire le plus rigoureux, mais malgré cela, il demeure impossible d'échapper au contenu obsédant. Peu importe l'enchaînement: le singe est toujours séquestré et le chaton au bord de la mort.

L'asservissement et la douleur de ces deux figures animales se veut une métaphore de la condition humaine, et l’œuvre se veut un questionnement devant l'information diffusée massivement sur le Web. Cela dit, l'aspect pitoyable des bêtes montrées, la surenchère des carillons d'église, les mots fortement connotés font, selon moi, l'inverse. À mon sens, l’œuvre montre trop. Après un moment, on se blase. Imaginez... même le chaton ne m'émeut plus! Enfin, cela dit, à chacun son expérience du vidéo. Je suis peut- être juste une sans-cœur!

Je me pencherai sur les autres œuvres de l’exposition (par Neddam, Amerika, et Thomson et Graighead) la semaine prochaine!

Petits détails pratiques

Notez qu'il est possible de visiter l'exposition en ligne sur place. En effet, une installation comprenant ordinateurs et projection permet aux visiteurs d'expérimenter ce volet de la Biennal conjointement aux autres.

La Biennale de Montréal aura lieu jusqu'au 31 mai, à l'ancienne École des beaux-arts de Montréal, au 3450, rue Saint-Urbain. Le site est ouvert tous les jours de midi à 18h (les jeudi jusqu'à 21h). La dernière entrée se fait 1h avant la fermeture et l'admission est libre (bien qu'une contribution de 2$ - si peu! - soit suggérée)

Il y a deux ans, l'évènement avait attiré plus 20 000 visiteurs et avait été prolongé d'une semaine afin de répondre à la demande. Qu'en sera-t-il cette année? Moi, je dis longue vie à la Biennale.


2 commentaires:

P. a dit…

PS : l'expo n'est pas diffusée sur place seulement par ordi, mais articulée sous forme d'installation (projection)...

La commissaire ;)

La Fille a dit…

Ajustement fait ;)