La Diagonale a déménagé ! Trouvez-nous sur

14 juillet 2011

Quand le Guardian fait vasciller un empire...

Si vous n'habitez pas sur Mars, vous avez sûrement entendu parler du scandale qui secoue la Grande-Bretagne et le monde des médias depuis deux semaines. Le News of the World, tabloïd britannique tiré à près de 3 millions d'exemplaires par semaine, a placé sous écoute des milliers de personnalités publiques. Des vedettes, des politiciens, des victimes d'enlèvement et de meurtre, des familles de soldats morts au combat; personne n'a été épargné.

Le scandale a depuis fait couler beaucoup d'encre. La légitimité de l'empire du magnat des médias Rupert Murdoch est remise en question. Le fondateur de News Corporation, qui possède également Fox News et le Wall Street Journal, est même convoqué en commission parlementaire pour s'expliquer. Neuf personnes ont également été arrêtées, dont l'ancien rédacteur en chef du NotW et ancien porte-parole du premier ministre, Andy Coulson.

Évidemment, il se trouvera des mauvaises langues pour dire que le journalisme est entaché par toute cette histoire. La culture journalistique en Grande-Bretagne est construite en grande partie autour du tabloïd, ces journaux à scandales qui aiment tant vous vendre la misère des autres. Dixit Greg Miskiw, ex-rédacteur en chef adjoint au NotW: "This is what we do; we go out and destroy other people's lives."

La Grande-Bretagne a beau être envahie par les feuilles de chou, reste tout de même quelques avatars de la vertu et du professionnalisme. Si le scandale a finalement éclaté la semaine dernière, c'est en grande partie grâce aux efforts de l'excellent journal Guardian:
  • En 2006, le correspondant royal du News of the World ainsi qu'un enquêteur associé au tabloïd ont été reconnus coupables d'avoir espionné les princes William et Harry ainsi que leur entourage. Après leur arrestation et la démission d'Andy Coulson en tant que rédacteur en chef, l'affaire semblait close. Pourtant, le Guardian a continué de creuser. Le 8 juillet 2009, le journal révélait que NotW tentait d'acheter le silence d'autres victimes de piratage pour ne pas ébruiter l'affaire. Les noms d'Andy Coulson et de Rebekah Wade sont alors mentionnés; les deux anciens rédacteurs en chef auraient été au courant des pratiques douteuses employées au News of the World.
  • Le 8 septembre 2010, un ancien journaliste du NotW se confie au Guardian. Il soutient que le piratage de boîtes vocales était pratique courante, et que Andy Coulson ne pouvait pas ignorer ce qui se tramait sous son règne. Andy Coulson démissionne de son poste de porte-parole du premier ministre quatre mois plus tard.
  • Finalement, le 4 juillet dernier, le Guardian a révélé que des journalistes du NotW ont piraté la boîte vocale d'une jeune fille de 13 ans victime d'enlèvement et de meurtre. Ce fut la goutte qui fit déborder le vase et l'indignation gagna la Grande-Bretagne. La fermeture du NotW, le tabloïd le plus important en Grande-Bretagne, fut annoncée 3 jours plus tard.

Chaque classe à besoin d'un cancre. Chaque conte à besoin d'un vilain. Ils nous permettent de mieux apprécier les vertus des héros. Le travail du Guardian fut exemplaire tout au long de cette affaire et représente le journalisme à son meilleur. Chapeau.

Seconde lecture: Évidemment, l'excellent dossier du Guardian sur toute l'affaire doit absolument être consulté. L'éditorial du magazine The Economist condamne fermement le News of the World et News Corporation. Et finalement, une victime qui se fait justice: Hugh Grant est tombé par chance dans un pub sur un des journalistes qui l'avait espionné et enregistra la conversation qui s'ensuivit. Conversation pour le moins compromettante. Le titre de l'article? The bugger, bugged.

Aucun commentaire: