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05 avril 2011

La campagne dans les réseaux sociaux... vraiment?

Soyons honnêtes.

On nous promettait une campagne dans les réseaux sociaux. Elle n'a pas vraiment lieux.

Oh, oui, bien sûr, Stephen Harper est sur Youtube et il fausse Imagine avec une tite fille ben cute avant de se la jouer Zorro numérique et de provoquer Michael Ignatieff en duel télévisé sur Twitter. Oh, ça a l'air bien intéressant, tout ça. Denis Coderre continue à interagir et à promouvoir le Parti Libéral. Jack Layton essaie de s'inviter dans les street fights en 140 caractères des deux autres chefs, Elizabeth May mobilise sa mère, deux trois cousins pis Georges Laraque sur Facebook pour pouvoir aller au débat télévisé et, de temps en temps, Gilles Duceppe tweet "Le Canada c'est de la marde lol" de plusieurs manières différentes.

Pendant que Michael et Stephen jouent avec leurs jouets dans le sous-sol, Jack Layton se sent comme ce chat... terriblement seul.
Mais est-ce que la campagne est vraiment en vie dans les réseaux sociaux?

Que les chefs y soient, d'accord, c'est bien. Mais les députés, eux? Oh, bien sûr, ils disent un peu de marde ici et là, mais il faut chercher profond pour les voir interagir avec monsieur ou madame tout le monde, pour les voir prendre une vraie place sur les Internets.

Et ce qu'ils y gagneraient, à interagir avec monsieur madame tout le monde?

Les candidats aux élections gagneraient à interagir de façon plus soutenue avec cet homme qui est, littéralement, l'homme le plus probable de la planète, avec la face la plus commune du monde. SOURCE: http://news.yahoo.com/s/yblog_thelookout/20110303/us_yblog_thelookout/the-most-typical-face-on-the-planet

Parce que le politicien moyen n'a pas tant de followers que ça. Je jette un coup d'oeil rapide au site www.politwitter.ca: Rodger Cuzner, liberal - 298 abonnés, David Sweet, conservateur - 154 abonnés, Stephen Woodworth, conservateur - 796 abonnés, - Lise Zarac, libérale, 198 abonnés - Claude Guimond, BQ - 295 abonnés, Yvon Lévesque, NPD, 268 abonnés.

Oui oui, bien sûr, il y a des James Moore avec 5000 abonnés, Mark Holland avec 1000 quelque chose abonnés, des Denis Coderre avec 24 000, mais ils font certainement marque d'exception. Et même les gens avec plus de 1000 abonnés: tout ce qu'ils font, c'est piaffer et gazouiller à propos d'eux. Ça ressemble à ça:

13:00PM @politicien2.0 J'ai serré des mains aujourd'hui, au centre d'achat.
14:32PM @politicien2.0 Je suis allé dans une levée de fond et le poulet était bon.
15:00PM: @politicien2.0 J'ai serré des mains à l'école.
15:32PM: RT @Chefpolitique2.0 Mon programme peut [...] pour vous.
15:44PM: @politicien2.0 J'ai serré une main moite et là j'ai les mains moites.
15:50PM: @politicien2.0 Je serai dans le stationnement de la cours d'école pour serrer des mains dans 5 minutes.
15:55PM: @politicien 2.0 Comme promis, je suis dans le stationnement et je serre des mains.
16:15PM: @politicien 2.0 Osti de poulet a marde #entraindechierpisçapassepas
16:45PM: @politicien2.0 Je serai à tel endroit et je vais me tenir derrière mon chef qui va parler pour moi et je ne dirai rien.
17:00PM @politicien2.0 Mon chef a serré des mains pour moi. Je me sens vide.
17:45PM: @politicien 2.0 JE JE JE MOI MOI MOI
18:00PM @politicien2.0 Je ne comprends pas qui sont ces gens qui s'adressent à moi sur Twitter. Ont-ils des mains? Non? Pas intéressé.
18:30PM: @politicien2.0 Pffft... Denis Coderre répond aux gens qui lui parlent. C'est un populiste.
19:00: @politicien2.0 J'ai rencontré un journaliste, aujourd'hui, je suis allé me cacher dans le placard à balais.
19:50: @politicien2.0 Encore dans le placard à balais.
21:00 @politicien2.0 Ouf, les journalistes sont partis. Des gens continuent à me poser des questions sur Twitter. Mon attaché de presse ne répond pas au téléphone. Je préfère ne rien faire.
21:15PM: @politicien2.0 ARRÊTEZ DE ME PARLER PLÈBE INFESTE.


Politique 1.0, dépassée. (Source)
Zéro interaction. Ils sont des dizaines à poser des questions, à dire ceci ou cela à notre @politicien2.0, et le pauvre, il ne comprend pas que, en répondant à tous ces gens qui lui parlent, il pourrait se faire beaucoup plus de capital politique qu'en parlant de ses ostis de levées de fond et poignées de main. Parce que: chaque personne qui pose une question est suivie en moyenne par, quoi? 100 autres personnes? En enclenchant la conversation, il y a une chance que une ou deux personnes sur les 100 commencent à s'intéresser au débat ou à y prendre part, et ça, c'est sain pour notre système politique. D'ailleurs, ce n'était pas ça, la politique, à la base? Genre des gens qui jasent à d'autres gens, qui se mettent d'accord avec eux, puis qui vont les représenter aux communes?

Le problème, c'est que tout le monde a tellement peur de perdre le contrôle de son message, les chefs ont tellement la chienne de voir un candidat dire à un autre "lol t'es trop vieille décrisse" sur Facebook qu'ils n'encouragent pas leur équipe à utiliser les outils qu'ils ont à leur disposition. Trop de chances de perdre le contrôle.

Et c'est bien dommage.

C'est bien beau d'être sur Twitteur et d'avoir une fan page suivie par trente gens d'affaire, quinze collègues et trois quidams, sur Facebook, mais, tout ça, ça ne sert à rien si tu spinnes pas tes réseaux sociaux autant que ton message.

Mais ce genre de truc n'arrivera pas. Pourquoi?

Parce que nous sommes à l'ère du contrôle par le chef; à l'époque des attachés de presse et autres relationnistes qui ont la main-mise sur tout; à un moment où les mises en scène cucu abondent, où la spontanéité est proscrite et où la proximité avec l'électorat est vue comme étant louche aux yeux de l'establishment du parti.

Oui oui, c'est comme ça, et ça ne changera pas lors de cette campagne-ci.

Je le répète, c'est dommage.

Dommage parce que les médias sociaux permettent aux candidats de petites circonscriptions qui n'ont pas une couverture dans les médias nationaux - ou qui n'auront pas un impact majeur parce qu'on les prend pour acquises (pensez-vous vraiment que Stephen Harper et Jack Layton vont retourner en Saskatchewan avant le 2 mai? Moi non plus) - de parler à leur monde.

Plutôt que d'avoir quatre chefs et demie qui se pognent à tous les soirs, écoeurant grandement la population en général, on pourrait avoir tout plein de micro débats un peu partout au pays. Plutôt que d'avoir cinq énormes tanks qui s'attaquent entre eux et bougent à un rythme de misère, parlant en généralités à un pays dont les réalités sont si différentes d'une extrémité à l'autre qu'on ne croirait même pas que c'est le même pays, on pourrait avoir plusieurs petites guérillas qui s'affronteraient sur des enjeux locaux.

Gageons que les gens se mobiliseraient plus pour aller voter.

C'est dommage, je le répète pour la troisième fois, parce que les médias sociaux nous permettraient d'avoir une campagne ultra intéressante, locale à la grandeur du pays et beaucoup plus interactive.

Mais les mentalités ne changeront pas cette année. Place au flafla, aux poignées de mains arrangées avec un vieux qui pisse libéral et une vieille qui pense que Stephen Harper, c'est un mélange de Jésus et le capitaine Kirk. Place à la langue de bois. Place à la ligne de partie. De temps en temps, on aura peut-être deux trois flammèches sur Twitter ou Facebook, mais faudrait pas s'attendre à voir le feu prendre dans la forêt d'ici le deux mai.

1 commentaire:

La Fille a dit…

Comme une lectrice l'a très justement noté: À lire également sur le sujet: http://blogues.cyberpresse.ca/collard/2011/04/04/les-politiciens-ne-comprennent-pas-les-medias-sociaux/