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01 février 2011

Die Weltliteratur







" [...] savoir quelle était la langue natale de Roland de Lassus ou de Bach n'a pas grande importance pour un musicologue. Par contre, un roman, parce qu'il est lié à sa langue, est étudié dans toutes les universités du monde presque exclusivement dans le petit contexte national."






Il est normal de vouloir étudier une oeuvre dans son contexte historique et social, c'est certain, mais j'ai cette impression tenace que l'importance accordée à cette part de l'analyse est vraiment énorme comparativement à tous les autres angles d'approches.

Parce qu'un auteur est, par exemple, Québécois, fait-il nécessairement du roman québécois? Y trouvera-t-on vraiment des thématiques québécoises? Nationalisme? Désir d'indépendance? Exil? Désillusion d'une génération? Pourquoi devrais-je essayer de trouver le lien entre lui et les autres écrivains du même pays? Et s'ils n'avaient pas grand chose en commun? Pourquoi est-ce que tel auteur rappellerait obligatoirement VLB, Ferron, Gauvreau? Pourquoi est-ce que mon premier réflexe ne pourrait-il pas être de l'associer à Balzac, Saramago, Bolaño ou Stieg Larsson?







Je pense plutôt qu'il est beaucoup plus facile et intuitif, pour les gens qui étudient la littérature de regrouper les gens selon leur langage, nationalité, de sortir deux trois lieux communs à propos du groupe qu'ils ont inventé (il fait froid dans le nord, on parle de chasse et d'esprit chez les amérindiens, les chinois ont les yeux bridés) (et à qui ils ont donné un nom peu original comme Littérature suédoise, Littérature de l'orient, Littérature du sud-est de la montagne au Nord, Littérature des hauteurs avec un peu d'eau pis du gazon, Littérature de plus que le cinquantième parallèle mais moins haut que Alert moins la Saskatchewan) et de les classer dans la bibliothèque.

Kundera parle de l'importance de voir la littérature comme une histoire universelle, mondiale, qu'il baptise "Die Weltliteratur", et non pas comme un ramassis de plusieurs littératures. Il ne peut y avoir qu'une seule histoire de la littérature. Elle est universelle.

"[...] Car, pour rester dans l'histoire du roman, c'est à Rabelais que réagit Sterne, c'est Sterne qui inspire Diderot, c'est de Cervantes que se réclame sans cesse Fielding, c'est à Fielding que se mesure Stendhal, c'est la tradition de Flaubert qui se prolonge dans l'oeuvre de Joyce, c'est dans sa réflexion sur Joyce que Broch développe sa propre poétique du roman, c'est Kafka qui fait comprendre à Garcia Márquez qu'il est possible de sortir de la tradition et d'"écrire autrement"."






Mon point, dans tout ça?

Bof.

Peut-être, simplement, que le meilleur moyen de sauvegarder ce qu'on appelle notre littérature "québécoise", c'est de l'exporter et, surtout, comme société, de donner une chance à nos écrivains de l'exporter. (... $)

Peut-être aussi de slacker sur la catégorisation géographique des études littéraires. On commence à avoir fait le tour. Et je pense que c'est un peu réducteur.
On les classe comment, alors, la littérature?

On en fait une histoire organique de questions, de réponses, de courants mondiaux, parfois décalés, parfois en synergie.

Héhé, c'est pas précis, pour un devis universitaire, hein?

Ben c'est ça. J'suis pas recteur.

3 commentaires:

Flo a dit…

Merci La Tache, pour Kundera et pour la littérature!

La Fille a dit…

Dans le fond, c'est un peu ce que les études circumpolaires tentent de faire, à leur manière. Sortir les bouquins de leur espace national et les faire dialoguer dans un espace organique, thématique, identitaire plus vaste, comme dans ce cas, le Nord, le froid, et tout ce que ça entraine.

Martin a dit…

C'est possible, mais ça demande une connaissance approfondie de l'oeuvre en question.

Comme il est impossible d'être toujours aussi érudit qu'on le souhaiterai, il faut parfois se limiter au contexte restreint.

Ce n'est qu'une motivation pour pousser plus.