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08 septembre 2011

Quel héritage pour le 11 septembre?

Déjà 10 ans. Difficile d’oublier une journée pareille. Surtout grâce au buffet médiatique auquel nous avons droit à chaque anniversaire de tel ou tel événement d’envergure. Mais bon, ne minimisons pas non plus l’impact fondamental que les attentats du 11 septembre 2001 auront eu sur les dix dernières années de notre histoire. Et maintenant, avec suffisamment de recul, nous pouvons commencer à mesurer jusqu’à quel point ces actes horribles ont changé le monde.

Du côté politique, le 11 septembre fut une mine d’or pour plusieurs, en commençant par le président de l’époque, George W. Bush. Les attentats lui auront permis de mener à bien des guerres non seulement en Afghanistan, fief des talibans et d’Oussama ben Laden, mais également en Irak. L’élection présidentielle de 2004 fut marquée par la « War on Terror », ce qui a grandement contribué à la réélection de Bush fils. Même Barack Obama retire du capital politique de toute cette affaire, grâce à la mort du cerveau de l’opération en mai dernier. Notre Stephen Harper à nous ne manque pas non plus une occasion de réitérer à quel point l'islamisme menace le Canada.

George W. Bush, lors d'un discours à la Charleston Air Force Base, le 28 octobre 2006.

Quoique, 10 ans plus tard, la menace terroriste commence à perdre de l’ampleur; le rôle militaire des États-Unis n’est même pas véritablement abordé lors des débats entre les candidats à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2012, alors que la mission en Afghanistan tire à sa fin. Les attentats du 11 septembre auront aussi permis de masquer pendant trop longtemps la vraie menace qui guettait les Américains : l’effondrement des marchés et la récession qui s’ensuit. L’héritage de George W. Bush ne sera pas sa « War on Terror », mais bien ses politiques économiques qui ont mené son pays tout droit vers le marasme économique qui l’afflige présentement (et probablement pour longtemps). Je vous suggère à ce sujet "Day's End", un excellent texte du New York Magazine, qui compile également une encyclopédie virtuelle à propos du 11 septembre.

Les bouleversements provoqués par le 11 septembre touchèrent également les médias. Les chaînes de télévision américaines ont couvert l’histoire 24/7 dans les jours qui suivirent les attentats. Puis, le patriotisme prit la place de l’objectivité. De CNN à NBC, en passant par Fox News, personne ne semblait remettre en question la réponse des États-Unis à la menace du terrorisme. Et Dieu sait que des questions, il y en avait : une première guerre en Afghanistan, une deuxième en Irak, l’établissement du Patriot Act, les allégations de torture et de mauvais traitements réservés aux prisonniers de Guantanamo Bay et d’Abu Ghraib, l’embauche de firmes de sécurité privées telles que Blackwater pour qu’elles opèrent sur le terrain en Irak. Bref, la liste est longue. On pouvait ressentir un malaise à travers les institutions journalistiques américaines, qui n’osaient pas poser des questions qui auraient pu mettre en doute la légitimité de la réponse américaine à la menace terroriste. Heureusement, ce malaise généralisé n’était pas universel, comme le souligne le chroniqueur et rédacteur en chef adjoint du quotidien britannique Guardian, Seumas Milne. Et puis, avec dix ans de recul, certains journalistes font également leur mea culpa. C'est le cas pour Bill Keller, ex-rédacteur en chef du New York Times et chroniqueur à l'époque des attentats et de l'invasion de l'Irak. Keller, ainsi que plusieurs membres du Times et d'autres publications jugées plus libérales, ont endossé la déclaration de guerre à l'Irak, aveuglé par le spectre des armes de destruction massive. Il explique sa décision dans un texte particulièrement captivant.

Finalement, inutile de préciser que les évènements d’il y a dix ans ont changé la face du monde, en commençant par le Moyen-Orient. Toutefois, lorsque mis en perspective, le 11 septembre ne fait pas nécessairement le poids, lorsque comparé avec d’autres bouleversements de la dernière décennie. C’est du moins l’avis de David J. Rothkopf, un chroniqueur du Foreign Policy. Il cite notamment l’apogée de la Chine et de l’économie asiatique, la prolifération des médias sociaux et des moyens de communication et, plus récemment, l’effondrement des économies américaine et européenne et l’avènement du printemps arabe comme des évènements qui ont marqué le début du XXIe siècle a plus forte mesure que le 11 septembre. Il ne rejette toutefois pas l’importance et la tragédie de ces attentats, mais souligne qu’une mise en perspective reste tout de même nécessaire :

"We cannot allow single isolated events to warp our view of all around them, like historical black holes twisting the fabric of adjacent time and events. It is important to our process of consigning 9/11 to history to understand both what it was and what it was not, why it was important and why it was just one of many even greater stories of the past decade."

Évidemment, nous aurons droit dimanche à un barrage d’articles, de publications, de reportages et de témoignages sur le dixième anniversaire du 11 septembre 2001. De mon côté, je vais probablement m’attarder sur deux publications new-yorkaises, question de proximité. Premièrement, je vais m’assurer de me procurer l’édition dominicale du New York Times, qui promet d’offrir une commémoration journalistique digne de ce nom. Le magazine New Yorker, en kiosque aujourd’hui même, propose également plusieurs papiers et reportages bien intéressants. Une chose est sure, le 11 septembre restera gravé à jamais dans la mémoire collective comme un évènement qui aura défini le monde au début du XXIe siècle, qu'on le veuille ou non.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

http://www.reopen911.info/

Marylisy a dit…

Pour ajouter à l'impact de 9/11 sur les médias, j'ai lu dans le magazine L'Itinéraire (plogue) que le 11 septembre 2001 a été le premier événement a être mondialement couvert en direct (chaîne d'infos continues, live-blogues, etc.).
Ce qui a eu des répercussions jusque dans les cabinets de psychologues, où des gens qui ont passé trop de temps à suivre les déroulements en direct et à regarder les images en boucles ont du être traités comme s'ils avaient physiquement été témoins des événements. (C'est affligeant.)
Sinon, bravo Guillaume pour ce très bon résumé de la situation, toujours bien documenté. 10/4

Louis Filiatrault a dit…

Merci pour cette belle synthèse.

La Fille a dit…

Le 11 septembre se terminera dans quelques heures et, étrangement, cette année, je n'en ai pas eu vent de la journée.

D'habitude, même si je n'ouvre aucun journaux ou n'allume pas la télé, j'intercepte tout de même des conversations dans le métro, ou alors des amis me demandent ce que je faisais quand.

Mais cette année, silence radio. Drôle de paradoxe, pour un 10e anniversaire.

Anyway.

Merci pour cette article concis qui me ramène à l'ordre, quelques heures avant la fin.